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Mettre un pied dans la porte: les marchés du travail locaux et la transition formation-travail

22/02/2024
©Studio Romantic| AdobeStock

Au Royaume-Uni, les jeunes titulaires d'un diplôme de premier cycle de l'enseignement secondaire mettent un mois de plus à trouver un emploi, quel qu'il soit, et sept mois de plus à trouver un emploi sûr à temps plein s'ils se trouvent dans une région où la demande de main-d'œuvre est faible. Ces résultats soulignent la nécessité d'une plus grande attention politique pour combler l'inadéquation spatiale entre la localisation des jeunes peu qualifiés et celle des opportunités d'emploi sûr, par exemple en facilitant les contacts entre les employeurs et les jeunes dans les zones défavorisées et en offrant des subventions pour le transport et des chèques de mobilité ou de réinstallation.

Le passage d'un individu de l'enseignement obligatoire au monde du travail est une transition critique de la vie qui a des conséquences à long terme, notamment pour la vie de couple, la formation d'une famille ou la santé mentale et physique. Katy Morris, de l’Université de Lausanne, évalue comment la demande d’emploi au niveau local affecte les chances individuelles de mettre un pied sur le marché du travail en Angleterre. À l’aide des données du British Household Panel Survey (BHPS) de 1991–2008, elle analyse deux aspects différents des structures d'opportunités locales :

  • le niveau de la demande de main-d'œuvre de la part des employeurs, qui influe sur le nombre d'emplois vacants et le degré de concurrence.
  • le type de demande de main-d'œuvre de la part des employeurs, qui influe sur la disponibilité des postes vacants que les employeurs combleront généralement avec des travailleurs plus jeunes.

Morris observe que les jeunes diplômé·es de l'enseignement secondaire inférieur mettent en moyenne un mois de plus à trouver un emploi, quel qu'il soit, et sept mois de plus à trouver un emploi sûr à temps plein s'ils se trouvent dans un lieu où la demande de main-d'œuvre est faible. En effet, dans les régions où la demande de main-d'œuvre est forte, l'entrée sur le marché du travail se fait rapidement quelles que soient les qualifications des candidat·es. Cependant, dans des marchés à faible demande, les personnes ayant un diplôme de secondaire I uniquement mettent 1,5 à 2,5 mois de plus pour trouver un premier emploi, voire 5 à 12 mois de plus pour un emploi stable. Pour les diplômé·es du secondaire II ou tertiaire, les durées de transition restent inchangées. La variation du niveau de la demande semble avoir plus de conséquences pour les nouveaux arrivants sur le marché du travail que la variation du type de demande.

La recherche de Katy Morris apporte deux contributions importantes. Tout d’abord, elle montre que le risque de transitions prolongées sur le marché du travail est concentré chez les jeunes peu qualifiés qui se trouvent également dans des endroits où la demande de main-d'œuvre est faible. Deuxièmement, elle indique que, dans ces cas, le risque le plus est l'insécurité qui découle de cette situation instable plutôt que le chômage. En effet, les personnes qui se trouvent dans des régions où la demande d’emploi est faible sont plus susceptibles de commencer par des contrats à temps partiel ou à court terme et ont beaucoup plus de difficultés à trouver un emploi à temps plein. Ces résultats, qui mettent en évidence la nature contextuelle du risque associé à un faible niveau d'éducation, renforcent les appels lancés aux chercheur·es et aux décideur·euses politiques pour qu'ils et elles reconnaissent que les aspects individuels et institutionnels ne sont pas les seuls déterminants de l’intégration des jeunes sur le marché du travail.

Ces résultats soulignent la nécessité d'une plus grande attention politique pour combler l'inadéquation spatiale entre la localisation des jeunes peu qualifié·es et celle des opportunités d'emploi sûr, par exemple en facilitant les contacts entre les employeur·euses et les jeunes dans les zones défavorisées et en offrant des subventions pour le transport et des chèques de mobilité ou de réinstallation.

Par ailleurs, bien que la Suisse ait des liens institutionnels plus forts que l'Angleterre, ses taux de chômage des jeunes varient considérablement, ce qui suggère que le modèle de risque conditionnel identifié par la chercheure pourrait être observé dans d'autres pays.

 

Article complet

  • Katy Morris (2023) Getting a foot in the door: local labour markets and the school-to-work transition, Journal of Youth Studies, DOI: 10.1080/13676261.2023.2248905